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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 13:23

A l'occasion du Forum Economique Mondial de 2008 , Bill Gates suggérait à son public de réexaminer le rôle du capitalisme. Il précisait qu'il existe deux grandes forces dans la nature de l'homme : l'intérêt personnel et le soin porté aux autres. Le capitalisme permet de contenir l'intérêt égoïste de manière salutaire et durable , mais uniquement pour ceux qui peuvent payer. Les aides gouvernementales et le recours à la philanthropie permettent de prendre soin de ceux qui ne peuvent pas payer. Mais pour améliorer rapidement la condition des pauvres , nous avons besoin d'innovateurs et d'entrepreneurs qui soient meilleurs que ceux d'aujourd'hui. Bill Gates en appellait alors à un capitalisme créatif  qui aurait une double mission : faire des profits et également améliorer l'existence de ceux qui ne peuvent pas actuellement pleinement bénéficier des forces du marché. Si l'entrepreneur n'arrive pas à gagner de l'argent en faisant des affaires avec les pauvres, au moins il peut être motivé par la reconnaissance qu'il en retirera en faisant plus pour les pauvres. Il justifie par là les approches dites Bottom of the Pyramid dont C.K. Prahalad s'est fait le promoteur.

 

Une question reste toutefois en suspend , dans les propos de Bill Gates comme dans ceux de C.K. Prahalad . Quelle est leur définition de la pauvreté et de la richesse ? Elle est très liée au niveau de revenu par habitant dans le cas de C.K. Prahalad qui nous invite à "faire fortune" en concevant des offres de produits et de services pour les 4 milliards d'êtres humains qui vivent avec moins de $ 1500 par an.

 

Je doute que Bill Gates comme C.K Prahalad aient en tête l'approche par les capacités développée par Amartya Sen et Martha Nussbaum qui appréhende le développement comme un processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les individus. D'autres facteurs que l'augmentation des revenus déterminent ces libertés : tous les moyens qui facilitent l'éducation ou la santé tout autant que les libertés politiques et civiques comme la possibilité de participer au débat public ou d'exercer un contrôle sur ceux qui nous gouvernent.

 

Les femmes qui distribuent dans les zones rurales reculées de l'Inde les produits Unilever ( Projet Shakti ) ou celles qui vendent les yaourts Grameen Danone au Bengladesh voient elles pour autant reculer la tyrannie du clan, l'absence d'opportunités économiques , l'inexistence de services publics ou d'infrastructures ?  Les quelques revenus qu'elles tirent de leur petit commerce  leurs donnent elles plus de capacités de participer pleinement à la vie matérielle, sociale et spirituelle de leur communauté ?

 

Si vous avez eu l'occasion de rencontrer une des 300 000 Vindhyas qui distribuent les produits d'Hindustan Lever Ltd. votre témoignage m'intéresse.

 

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4 février 2011 5 04 /02 /février /2011 22:54

François Perroux écrivait en 1969 dans Le Pain et la Parole [Editions du Cerf,p 101]:

 

"L'échec d'une activité sociale se révèle par une efficacité insignifiante ou ( et ) par une signification inefficace. L'économie moderne porte ces deux tares (...) Il s'agit de mettre les hommes en état et en désir de se modifier les uns les autres dans une direction bénéfique qui, pour ce qui est des conditions matérielles, peut être assez nettement précisée par les sciences et qui, pour ce qui est de l'image ou du modèle de l'homme, dépend du niveau et de la qualité des dialogues sociaux"

 

Ces propos rejoignent les analyses que Christian Morel publiera à propos des Décisions absurdes : Sociologie des erreurs radicales et persistantes [Gallimard, 2002] ouvrage dans lequel il montre comment les erreurs cognitives, collectives et téléologiques peuvent  se conjuguer pour nous permettre de marquer avec persévérence contre son camp.

 

L'absurde n'est jamais loin quand le manager devenu individu fait corps à la structure et aux chaînes de calcul jusqu' à oublier qu'il est avant tout une personne autonome reliée à soi-même comme aux autres.

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1 février 2011 2 01 /02 /février /2011 22:41

En 2002 , Jean Pierre Dupuy nous invitait à penser la catastrophe comme un évènement surgit du néant , qui ne peut être prévenu qu'en croyant en sa possiblité avant qu'elle ne se produise. Il remettait en question le principe de précaution qui en prévenant la catastrophe la maintient dans l'impossibilité et qui fait que les efforts de prévention apparaissent rétrospectivement inutiles.

Si une catastrophe comme le 11 septembre 2001 est devenu possible , c'est qu'elle ne l'était pas . Et si elle s'est produite c'est bien qu'elle était possible.

 

Les évènements qui traversent les régimes autoritaires du monde arabe ne sont pas sans rappeler ceux qui ont conduit l' Europe au premier conflit mondial. En 1914 , Henri Bergson apprenant la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France notait " Malgrès mon boulversement , et bien qu'une guerre, même victorieuse , m'apparût comme une catastrophe , j'éprouvais ce que dit William James , un sentiment d'admiration pour la facilité avec laquelle s'était effectué le passage de l'abstrait au concret : qui aurait cru qu'une éventualité aussi formidable pût faire son entrée dans le réel avec aussi peu d'embarras ? Cette impression de simplicité dominait tout." Jean Pierre Dupuy note que "la guerre apparaissait alors à Bergson  tout à la fois comme probable et comme impossible: idée complexe et contradictoire , qui persista jusqu'à la date fatale" [ Pour un catastrophisme éclairé , 2002, p 11].

 

Soyons attentif à ce qui se passe sur l'autre rive de la méditerranée car c'est là que se dessine ce qui sera notre quotidien de demain et que le possible est en train d'engendrer le réel dans un même mouvement de destruction/création pour  notre plus grand étonnement .

 

Les entrepreneurs européens qui révaient de marchés de maind'oeuvre à bas coût à quelques heures d'avion de notre pays sont bien obligés de reconnaître que d'autres chemins sont en train d'être tracés par des forces qui leurs échappent complètement. Encore des possiblités qui n'ont pas précédés la réalité . Encore un moment où la réalité se crée , imprevisible et neuve et où son image se réfléchit derière elle dans un passé indéfini où elle commence à apparaitre avoir toujours été possible !  

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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 22:29

Dans ses Considérations Morales [Payot-Rivages, 1996] Hannah Arendt écrit à propos du procès Eichmann à Jérusalem auquel elle a assisté en juin 1961:

 

"Aussi monstrueux qu'aient été les faits , l'agent n'était ni monstrueux , ni démoniaque , et la seule caractéristique décelable dans son passé comme dans son comportement durant le procès et l'interrogatoire de police était un fait négatif : ce n'était pas de la stupidité mais une curieuse et authentique inaptitude à penser.(...) Il savait que ce qu'il avait alors considéré comme un devoir était à présent appelé un crime, et il acceptait ce nouveau code pénal comme un nouveau langage sans plus (...) Les clichés , les phrases toutes faites , l'adhésion à des codes d'expression ou de conduite conventionnels et standardisés , ont socialement la fonction reconnue de nous protéger de la réalité , de cette exigence de pensée que les évènements et les faits éveillent en vertu de leur existence"

 

Jusqu'à quel point  les managers de notre époque post-totalitaire dans nos sociétés de contrôle autonomes,  parviendront-ils à se pratéger de la réalité, à  débrayer leur faculté de pensée , leur aptitude à distinguer le bien du mal , la vérité du mensonge, le beau du laid ?

 

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